Awa était une jeune femme comme tant d'autres au Sénégal. Elle avait 26 ans, un sourire lumineux et des rêves plein la tête. Mais un soir de janvier, sa vie a basculé. Victime de violences conjugales depuis des mois, elle avait fini par déposer une plainte.
Pourtant, rien n'a été fait à temps. Son mari, refusant l'idée d'un divorce, lui a porté un coup fatal. Son nom s'est ajouté à une longue liste de femmes qui ne sont plus là pour raconter leur histoire.
- Cela aurait pu être moi. Ou n’importe quelle autre femme sénégalaise.
Je ne connaissais pas Awa. Mais son histoire résonne en moi. Elle aurait pu être ma sœur, ma cousine, une amie. Elle aurait pu être moi. Comme elle, nous sommes des milliers de femmes sénégalaises à vivre dans une société où la violence faite aux femmes est une réalité que l’on minimise. En 2022, l’OMS a révélé que 27% des femmes sénégalaises entre 15 et 49 ans ont subi des violences physiques au moins une fois dans leur vie (OMS, 2022). Parmi elles, 68% n’en ont jamais parlé (OMS, 2022).
Des chiffres alarmants, une réalité ignorée
Les féminicides ne sont pas qu’une triste statistique. Ce sont des vies perdues, des familles détruites. Pourtant, l’ampleur du problème est difficile à mesurer car il manque des données officielles récentes. Ce que l’on sait, c’est que le Sénégal s’inscrit dans un contexte africain où les taux de féminicides sont parmi les plus élevés au monde. En 2023, l’Afrique a enregistré 21 700 victimes de féminicides commis par un proche, soit un taux de 3,1 victimes pour 100 000 femmes (ONU Femmes, 2023).
En Afrique subsaharienne, 44% des femmes ont déclaré avoir subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime au cours de leur vie (Banque Mondiale, 2021). Dans certains pays comme le Gabon, ce taux atteignait 66% en 2016 (Banque Mondiale, 2021). De plus, dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, plus de 20 % des femmes estiment qu’il est justifié qu’un mari batte sa femme dans certaines circonstances (Banque Mondiale, 2018).
Ne pas se résoudre au silence
Pourquoi, dans une société qui se veut solidaire, tant de femmes préfèrent-elles cacher leur souffrance plutôt que de chercher de l’aide ou de briser le silence ? Comment expliquer que tant de femmes, malgré la violence qu’elles subissent, choisissent de rester silencieuses plutôt que de dénoncer leurs agresseurs ?
L’urgence d’agir
En tant que femme sénégalaise, je ressens une responsabilité : celle de parler, d’écrire et de sensibiliser.
Mais comment briser ce silence, si certains témoignages sont déjà oubliés, à peine entendus ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, tant la réalité est cruelle, mais à laquelle je m’efforcerai de répondre. Dans quelques jours, je vous raconterai les histoires de trois voix éteintes, car au-delà des statistiques, c’est de vies humaines qu’il est question.
Sources :
- Badiane, O. (2024). Violences basées sur le genre : l’état des lieux en Afrique. BBC. https://www.bbc.
com/afrique/articles/ cm20jjl6j8yo - Banque Mondiale. (2018). Données sur les violences conjugales en Afrique subsaharienne. https://
donnees.banquemondiale.org/ .indicator/SG.VAW.1549.ZS? locations=zg - Banque Mondiale. (2021). Statistiques sur les violences faites aux femmes en Afrique subsaharienne. (https://
liveprod.worldbank.org/en/ .data-stories/overview-of- gender-based-violence - OMS. (2022). Agir pour protéger les filles et les femmes contre la violence au Sénégal. WHO. https://www.
afro.who.int/fr/countries/ senegal/news/agir-pour- proteger-les-filles-et-les- femmes-contre-la-violence-au- senegal - UN Women (2023) : Femicides in 2023: Global estimates of intimate partner/family member femicides. https://www.unwomen.org/sites/default/files/2024-11/femicides-in-2023-global-estimates-of-intimate-partner-family-member-femicides-en.pdf
- UN Women (2023) : « 16 jours d’activisme » contre les violences faites aux femmes au Sénégal. https://www.unwomen.
org/fr/what-we-do/ending- violence-against-women/unite/ theme